Femmes et
religion en Europe
Résolution de l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe 1464 (2005)[1]
Strasbourg
4 octobre 2005
1. La religion
continue de jouer un rôle important dans la vie de nombreuses femmes
européennes. D’ailleurs, qu’elles soient croyantes ou non, la plupart des
femmes sont affectées d’une manière ou d’une autre par la position des
différentes religions à l’égard des femmes, directement ou par le biais de leur
influence traditionnelle sur la société ou l’État.
2. Cette
influence est rarement inoffensive : les droits des femmes sont souvent
restreints ou bafoués au nom de la religion. Alors que la plupart des religions
enseigne l’égalité entre les femmes et les hommes devant Dieu, elles leur
attribuent des rôles différents sur terre. Des stéréotypes de genre motivés par
des croyances religieuses ont conféré aux hommes un sentiment de supériorité
qui a abouti à un traitement discriminatoire des femmes par les hommes allant
même jusqu’au recours à la violence.
3. A une
extrémité de l’échelle figurent les violations les plus graves des droits
fondamentaux des femmes, comme les prétendus « crimes d'honneur », les mariages
forcés et les mutilations génitales féminines, qui – quoique encore rares en
Europe – sont en augmentation dans certaines communautés.
4. A l’autre
bout de l’échelle, on observe des formes plus subtiles et moins spectaculaires
d’intolérance et de discrimination qui sont beaucoup plus répandues en Europe –
et qui peuvent être tout aussi efficaces dans un but d’asservissement de la
femme, comme le refus de remettre en question une culture patriarcale qui
considère le rôle de l’épouse, de la mère et de la femme au foyer comme le modèle
idéal et le refus d’adopter des mesures positives en faveur des femmes (par
exemple, dans le cadre d’élections législatives).
5. Toutes les
femmes vivant dans des Etats membres du Conseil de l'Europe ont droit à
l’égalité et à la dignité dans tous les domaines de la vie. La liberté de
religion ne peut pas être acceptée comme un prétexte pour justifier les
violations des droits des femmes, qu’elles soient flagrantes ou subtiles,
légales ou illégales, pratiquées avec ou sans le consentement théorique des victimes
– les femmes.
6. Il incombe
aux Etats membres du Conseil de l'Europe de protéger les femmes contre les
violations de leurs droits au nom de la religion, et de promouvoir et
pleinement mettre en œuvre l’égalité entre les sexes. Les Etats ne doivent
accepter aucun relativisme culturel ou religieux en matière de droits
fondamentaux des femmes. Ils ne doivent pas accepter de justifier la
discrimination et l’inégalité touchant les femmes pour des raisons telles que
la différentiation physique ou biologique fondée sur ou imputée à la religion.
Ils se doivent de lutter contre les stéréotypes sur le rôle des femmes et des
hommes motivés par des croyances religieuses, et ce depuis le plus jeune âge, y
compris à l’école.
7.
L’Assemblée parlementaire exhorte donc les Etats membres du Conseil de l'Europe
à :
7.1. protéger
pleinement toutes les femmes vivant sur leur territoire contre toute violation
de leurs droits fondée sur ou attribuée à la religion :
7.1.1. en mettant en
place et en appliquant des politiques spécifiques visant à lutter efficacement
contre toutes les violations du droit des femmes à la vie, à l’intégrité
physique, à la liberté de circulation et au libre choix du partenaire,
notamment les prétendus crimes d’honneur, les mariages forcés et les
mutilations génitales féminines, quels que soient le lieu où ces violations
sont commises et la personne qui en est l’auteur, et quelle que soit leur
justification, indépendamment du consentement théorique de la victime ; ce qui
signifie que la liberté de religion trouve ses limites avec les droits de la
personne humaine ;
7.1.2. en refusant de
reconnaître les codes de la famille étrangers et les lois relatives au statut
personnel qui violent les droits des femmes, et en cessant de les appliquer sur
leur propre sol, en renégociant si nécessaire des traités bilatéraux ;
7.2. prendre
position, notamment au sein d’instances internationales comme les Nations
Unies, l’UIP et autres, contre les violations des droits fondamentaux des
femmes justifiées par le relativisme religieux ou culturel partout dans le
monde ;
7.3. garantir
la séparation nécessaire entre l’église et l’Etat pour que les femmes ne soient
pas soumises à des politiques et à des lois inspirées de la religion (par
exemple dans le domaine de la famille, du divorce et des lois contre
l’avortement) ;
7.4. veiller à
ce que la liberté de religion et le respect de la culture et de la tradition ne
soient pas acceptés comme des prétextes à la justification des violations des
droits des femmes, y compris lorsque des jeunes filles mineures sont
contraintes de se soumettre à des codes religieux (y compris à des codes
vestimentaires), que leur liberté de circulation est entravée ou que l’accès à
la contraception leur est interdit par la famille ou la communauté ;
7.5 lorsque
l’éducation religieuse est permise à l’école, veiller à ce que son enseignement
soit en conformité avec les principes d’égalité des genres;
7.6. prendre
position contre toute doctrine religieuse anti-démocratique ou non respectueuse
des droits fondamentaux de la personne humaine, et plus particulièrement des
droits des femmes, et refuser de permettre que de telles doctrines exercent une
influence sur les décisions politiques ;
7.7. encourager
de manière active le respect des droits des femmes, leur égalité et leur
dignité dans tous les domaines de la vie par le dialogue avec des représentants
des différentes religions, et œuvrer en vue de réaliser une entière égalité des
sexes dans la société.
[1] Discussion
par l’Assemblée le 4 octobre 2005 (26e séance) (voir Doc. 10670, rapport de la Commission sur l'égalité
des chances pour les femmes et les hommes, rapporteur : Mme
Zapfl-Helbling). Texte
adopté par l’Assemblée le 4 octobre 2005 (26e séance).